Cette année, je fête mes 30 ans d’Internet — et presque autant de web. Pas 30 ans d’observation lointaine ou d’utilisation masquée. 30 ans de pratique quasi quotidienne, d’utilisation technique d’Internet.
Je ne vais pas te faire le coup du vieux briscard, mais j’en ai vu des choses en 30 ans ! Des bonnes, des moins bonnes, et des carrément nulles. Par « nulles », j’entends choquantes, contre-productives voire destructrices. Et je perçois même une accélération ces dernières années dans l’accumulation néfaste des erreurs de raisonnement et de « sens » à ce qu’on fait à Internet et comment on le fait.
Tu me vois venir, je vais te parler du « cloud ». Tu sais ce truc qui n’est finalement que l’ordinateur de quelqu’un d’autre. Un ordinateur lointain, éthéré, virtuel sur lequel tout un chacun — de la grosse entreprise au simple particulier — peut déporter sa présence web et ses outils de collaboration, de partage, de stockage, de jeux, de comptabilité, de gestion de sa chaine logistique, etc.
Le cloud est une formidable avancée conceptuelle et technique. Il permet des choses que l’on n’aurait même pas imaginées il y a 15 ans. Seulement, voilà, on a complètement foiré son architecture et sa mise en œuvre…
Le cloud d’aujourd’hui est un monstre. Un Frankenstein bricolé par quelques conglomérats tentaculaires. Une aberration technique et légale qui ne laisse aucune chance à ce qui est censé faire Internet : la résilience, l’interopérabilité, la portabilité, la transparence des flux et des opérateurs, la décentralisation comme modèle technique et sociétal — note que je ne te parle même pas de ce truc à la mode appelé « souveraineté numérique ».
En tant qu’humain, européen, citoyen (et, accessoirement, technicien de l’information), cela me heurte !
C’est pour cela que j’ai décidé il y a quelques semaines de tout changer dans ma vie professionnelle et de me jeter dans la mêlée. J’ai décidé de profiter de mes quelques compétences pour proposer à qui le veut, une vraie alternative à ce modèle mortifère. J’ai décidé de créer une société d’hébergement Internet qui replace les sujets importants au centre des choix :
La possibilité de s’héberger localement.
À destination exclusive du marché européen (la France pour commencer), cette entreprise est de droit local, dans la langue de l’utilisateur, propose un stockage et une exécution précisément localisés en Europe (en France, en Allemagne, en Espagne, etc.) et garantit le non-transfert des données vers d’autres juridictions et d’autres opérateurs tiers.
Un bras d’honneur au CLOUD Act, au Patriot Act, à la sous-traitance multiniveau…
S’héberger localement, c’est une façon plus éthique de traiter ses données et une « conformité » RGPD plus facile à atteindre.
Le choix de l’efficience technique et environnementale.
Pour remettre au centre des préoccupations la fin de l’infobésité et du gaspillage des ressources de notre planète, cette entreprise propose des services hébergés dans des datacenters économes en eau et en énergie. Ces services sont optimisés et packagés pour consommer le moins d’énergie possible. Cela veut dire : architecture technique spécifique, optimisation des process et choix stricts des logiciels et middlewares employés.
Faire ce choix-là, c’est tendre vers un modèle vertueux de consommation des ressources informatiques et réduire l’empreinte environnementale de celles dont on ne peut pas se passer.
Le parti pris de la performance et de la fiabilité.
Parce qu’un service d’hébergement qui est lent ou peu tolérant aux pannes ne peut atteindre les objectifs d’efficience technique et environnementale qui sont désormais vitaux, cette société ne vend que des services dont elle est certaine de la robustesse. Des services dont elle est fière et qu’elle utilise elle-même pour son propre fonctionnement.
Cette intransigeance sur la qualité, qui nécessite un mélange équilibré de pragmatisme et d’innovation, est la seule façon de rendre un service dont nous sommes fiers.
La « vision » que j’ai pour cette entreprise, à moyen terme, est qu’elle devienne conceptrice et opératrice de ses propres datacenters : de tailles modestes, disséminés sur le territoire, autonomes en énergie et sans climatisation directe.
Bien sûr, il en reste du chemin à parcourir — à commencer par toutes les formalités administratives, légales, juridiques, financières, etc. Mais je te promets que maintenant que je sais quelle est ma voie, je ne vais pas baisser les bras. La planète a besoin qu’on se remonte les manches pour ne pas l’épuiser définitivement. Alors, on s‘y met ?